The Elder Scrolls VI, Metroid Prime 4, Duke Nukem Forever, Final Fantasy VII Remake, The Avengers Project, Cyberpunk 2077, les exemples de jeux annoncés des années avant leur sortie sont légion dans notre industrie. Comme pour commencer à rentabiliser des cycles de production de plus en plus longs et coûteux, ou pour tenter de rassurer des joueurs inquiets de l'absence de nouvelles autour d'une licence, les éditeurs et studios démarrent leur campagne de communication avec une avance considérable vis à vis de la disponibilité du produit sur le marché. Une stratégie aux bénéfices discutables, parfois efficace à court terme sur les réseaux sociaux, mais dangereuse sur la durée pour un public qui cultive de plus en plus la culture de l'immédiat.
vous reprendrez bien un peu de teaser ?


Est-il vraiment nécessaire d'annoncer un jeu des années avant sa sortie ? De créer une hype alors même que son produit n'en est qu'aux balbutiements de son développement ? L'industrie du jeu vidéo a, par des méthodes marketing rodées et son amour pour la culture du secret, façonné son audience à douter de l'existence d'un jeu avant que ce dernier ne soit officiellement annoncé. On "sait" qu'un prochain Zelda arrivera dans quelques années, on n'imagine pas un seul instant qu'Ubisoft ne sorte pas un nouvel épisode d'Assassin's Creed. Les exemples de licences au destin déjà tracé sont nombreux. Que nous apprend donc un teaser tel que celui de The Elder Scrolls VI lors de la conférence Bethesda de l'E3 2017 ? Rien si ce n'est la confirmation du développement d'une suite que tout le monde attendait déjà et la promesse de nombreuses années d'attente avant de voir débarquer le titre.

Nombreux sont d'ailleurs les jeux à avoir souffert de ce type d'annonces prématurées. Final Fantasy XV, Duke Nukem Forever, Aliens : Colonial Marines, autant de titres dévoilés des lustres avant leur sortie devenus par la suite des rengaines de communication pour les éditeurs et des sujets de moqueries pour les joueurs. Nous sommes aujourd'hui partagés entre ces annonces faites des années en avance et une certaine culture de l'immédiateté où il est possible de télécharger certains jeux à peine annoncés en quelques minutes ou de regarder du gameplay en live en un clic. Ces teasers prématurés, s'ils servent à rassurer le public quant à l'existence réelle d'un projet, ouvrent de nombreuses brèches dans les stratégies de communication des éditeurs/développeurs.
Quand le Hype Train déraille

Il est difficile de maintenir la folle vitesse du train de la hype. Une annonce en grande pompe basée sur quelque chose d'aussi immatériel que l'apparition d'un logo à l'écran, comme ce fût le cas pour Metroid Prime 4 lors de l'E3 2017 chez Nintendo, soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses au public. Quel est aujourd'hui l'état d'avancement du projet ? Quand seront diffusées les premières véritables extraits de gameplay ? Si nul n'est sans savoir que les délais de production d'un jeu s'étendent sur plusieurs années, l'absence d'infos après ce type d'annonces coup de poing suffit à faire retomber le soufflé. Une solide roadmap rythmée de communications régulières est nécessaire au maintient de la "hype".

Qui peut en effet garantir à un éditeur que le public va continuer à s'intéresser à son projet durant des années ? Des centaines de jeux sortent tous les mois sur toutes les plateformes et certains rencontrent d'important succès sans que personne n'ait jamais vraiment entendu parler d'eux avant. Dévoiler un projet de manière prématurée empêche d'en révéler trop d'informations au public. Il existe bien sûr la peur de se faire piquer son idée en cours de route, mais aussi la conscience que certains aspects du jeu vont nécessairement évoluer au cours de son développement. Final Fantasy XV illustre bien ces différences avec une version finale éloignée en de nombreux points des éléments présentés dans les premiers trailers de gameplay. Une partie des joueurs sera donc nécessairement déçue de ne pas retrouver certains éléments pourtant mis en avant lors de la campagne de communication.

De fausses annonces

Pourtant, communiquer, c'est exister aux yeux du public. C'est lui confirmer qu'un jeu ou qu'une suite existera bel et bien. Certaines licences sont tant attendues au tournant, qu'une absence d'information à leur sujet peut être perçue comme une sorte d'abandon. La récente cérémonie des Game Awards nous a ainsi donné l'occasion de découvrir le tout premier trailer du prochain Dragon Age 4. Nul gameplay ici, aucune information sur une quelconque orientation du jeu, BioWare nous a servi une simple mise en bouche basée sur des concept-arts suivie d'un message cryptique que seuls les fans les plus acharnés de la saga auront le loisir de comprendre. Cette annonce n'engage aucun nouveau joueur potentiel, elle pourrait très bien être celle d'un jeu de plateau basé sur la série, d'un jeu mobile, d'un TCG issu de la franchise, elle ne signifie rien de plus qu'un nouveau produit Dragon Age est à l'étude au sein du studio.
Dans sa communication, BioWare indique être ravi de pouvoir enfin teaser l'existence du projet, projet qui ne verra certainement pas le jour avant trois ans au moins selon les confidences de sources proches du studio. L'hameçon lancé pour ferrer le joueur n'est donc que la première étape d'une longue phase de remontée de ligne dont l'industrie nous a prouvé qu'elle était semée d'embûches.

The Last of Us Part II a lui aussi été annoncé il y a maintenant deux ans et ne dispose toujours pas de date de sortie confirmée. Pendant ce temps, Sony fait l'impasse sur l'E3 2019 et semble être en mesure de dévoiler les premières informations de sa future console de salon. Le jeu de Naughty Dog sera-t-il alors le chant du cygne de la PS4 ou le premier blockbuster de la PS5 ? Rien ne permet de l'affirmer tant le titre a systématiquement évité de refaire parler de lui et de sa fenêtre de sortie depuis sa dernière présentation durant l'E3 2017. S'en est suivi une absence remarquée lors de plusieurs événements dont le plus récent est la cérémonie des Game Awards 2018, cause d'une certaine déception aux yeux du public.
Faut-il alors arrêter d'annoncer ses jeux trop tôt ? Si l'on comprend le besoin des éditeurs et des studios de faire parler de leur projet au plus vite et d'amorcer leur campagne de communication des années avant la sortie effective de leur produit, la démarche démontre de nombreux risques. Lassitude du public, attentes insatisfaites, hype surévaluée, transformations du concept au fil de son processus de développement, éviction par un autre produit du même type, etc. Il est bien plus satisfaisant d'attendre un jeu dont la date de commercialisation est établie plutôt que de patienter des années pour un produit à la sortie incertaine.